Presentation

Landships! (1994)

Infernal Machines (2000)

Landships! Tactical Weapon Innovation 1914-1918 (1994)

Landships! est un jeu conçu par Perry Moore et publié par Clash of Arms en 1994. Il s’agissait à l’origine d’un jeu DTP* de qualité assez douteuse. L’éditeur a « professionnalisé » le produit, l’a déposé dans une boîte à la couverture superbe et le tour était joué.

Landships! est un jeu tactique centré sur la Première Guerre Mondiale, tant à l’ouest, qu’à l’est. Les extensions Infernal Machines (2000) et Real Weapons (2009?, ce jeu est développement depuis si longtemps que l’on se demande encore s’il sortira enfin un jour) couvrent des conflits différents comme (entre autres) la guerre civile russe, la guerre du Chaco, la guerre d’Espagne, la Finlande, la Norvège et le début de la Seconde Guerre Mondiale.

* DeskTop Publishing. Pour simplifier, il s'agit de jeux amateurs dont il faudra découper les planches de pions et les coller sur du carton fort avant de pouvoir jouer. En contrepartie, leur prix ne dépasse pas 20 euros.

Composants du jeu :

Une boîte. Une boîte, oui, mais pas n’importe laquelle. Une boîte avec une splendide couverture singée Bot Roba. Une peinture représentant un terrifiant char A7V allemand orné du surnom Mephisto*. Mephisto, le diable, suivi de près par des stormtruppen sans visage, sous un ciel de ténèbres et de feu. Des soldats britanniques dans leur tranchée paniquent à la vue de ce monstre d’acier. Nulle fuite n’est possible. Un peu plus loin, le même spectacle. Tandis qu’une légère brume, insouciante, virevolte entre les casques et les fusils abandonnés, s’enroule entre des vestiges de troncs d’arbres. Le titre du jeu écrit en gothique symbolise des barbelés qu’un char anglais Mark IV écrase sous son poids.

* Ce char est visible à l’Australian Memorial.

Ouvrons sans plus attendre cette œuvre d’art. Mettons de côté les dés à 10 et 6 faces et émerveillons-nous sans plus attendre sur les cartes. Au total, quatre cartes imprimées des deux côtés et qui ont la particularité d’être magnifiques. Elles mesurent 410 mm sur 255 mm, avec des hexagones de 10 mm de côté. Les scénarios peuvent nécessiter l’utilisation d’une, deux voire trois de ces cartes. Au programme, des tranchées, parfois une rivière, des bois, un peu de terrain ouvert, des points fortifiés et des villages. L’ensemble n’est jamais criard. Au contraire, les tons pastels ont quelque chose de reposant. Je ne pense pas avoir jamais vu un si joli travail (cela dit, je suis loin de connaître tous les jeux)

420 pions représentant les troupes à pieds (infanterie et cavalerie) des Alliés (pions bleus) et des Puissances centrales (pions gris). Ajoutons à cela des pions de chars, de canons, d’artillerie et d’avions vus du dessus, d’autres représentant des armes individuelles (fusils anti-chars, lances-flammes, voire des chefs de char. Saupoudrons le tout de marqueurs (barbelés, gaz, fumée, impact de barrage d’artillerie, panne de char, mission aérienne, et les fameux pions rouges « resisted x turns » dont le rôle vous sera révélé en temps utile mais qui s’avère être en nombre bien insuffisant). Sur les pions d’infanterie, nous trouvons sur le recto des « petits bonhommes sans yeux » dessinés avec simplicité et sans couleur. Quatre valeurs sont imprimées : puissance de feu, portée de l’arme, moral et mouvement. Le verso représente l’unité clouée (pinned), avec seulement une valeur de moral. Les pions de véhicules possèdent un appareil différent sur le recto et sur le verso. Différents facteurs et symboles permettent de différencier chaque type. Mes pions ne sont pas forcément tous bien découpés, ce qui s’est aggravé avec mon exemplaire de Infernal Machines. Ceci semble malheureusement récurrent, puisque d’autres joueurs connaissent le même problème.

Les règles :

Le livret fourni avec le jeu contient les règles standards (14 pages écrites relativement petit, agrémentées de quelques pions et d’un exemple de combat), les règles rapides (4 pages), les règles optionnelles (un peu plus d’une page), les scénarios (9 pages pour 21 scénarios), un résumé de la séquence de jeu (1 page), les commentaires historiques et les notes du concepteur (8 pages) et les différents diagrammes indiquant les arcs de tir des chars (2 pages). Le tout est regroupé dans un seul et même livret, ce qui n’est pas forcément toujours pratique. Cela a au moins le mérite d’avoir tout sous la main.

La séquence de jeu entremêle les actions des deux joueurs, avec des phases de tirs défensifs. A noter que l’infanterie possède deux phases de mouvement (si elle n’est pas engagée dans une mêlée). De toute façon, avec une capacité de mouvement généralement d’un seul hexagone, ne vous attendez pas à ce qu’elle traverse la carte d’une seule traite. Les règles semblent un peu ardues de prime abord. Et à l’usage, certaines zones sombres peuvent apparaître. Si vous avez des doutes sur tel ou tel point de règle, n’hésitez pas à visiter notre section Ressources. Certaines exceptions aux règles peuvent également augmenter la difficulté. L'utilisation de l'artillerie sur carte (qui peut tirer sur les chars), des canons anti-chars, des pièces anti-aériennes qui peuvent également servir contre les chars etc. Tout cela nécessite de se rappeler ce que peut faire et ne peut pas faire le type d'unité considéré. Et pus, bien entendu, il y a les véhicules....

Les règles rapides permettent d’aborder le jeu en toute simplicité. L’accent est davantage mis sur la découverte des règles de base (seulement l’infanterie et l’artillerie hors-carte y sont traitées) au détriment d’une certaine finesse que l’on retrouvera dans les règles standards. Il est, par exemple, beaucoup plus facile de détruire des piles entières de pions avec l’artillerie ; alors que cette dernière ne tirera pas systématiquement dans les règles standards prenant en compte divers éléments comme la transmission et l’application des ordres.

Notons qu'il y a également des règles optionnelles intéressantes qui prennent en compte le niveau de qualité et d'entraînement de chaque nationalité, ce qui affine les tirs (les portées, par exemple, changent), le moral, la distance à laquelle se trouve la cible (on double la puissance de tir contre les unités adjacentes, et on la réduit si on dépasse la portée "efficace"). On trouve aussi des règles sur les stosstruppen, les rifle grenades, les MG (qui peuvent alors tirer sur 2 hexagones adjacents), des restrictions pour les tirs d'artillerie (planification plus rigide), une meilleure prise en compte des spécifications de chaque char et de chaque mission aérienne etc.

Les scénarios sont au nombre de 22 (en comptant le scénario d’introduction qui peut-être joué, ou non, avec les règles rapides). Ils vous entraîneront en France, en Belgique, en Irak, en Syrie, en Egypte et en Ukraine. Au programme : assauts de tranchées, prise de villes ou occupation de points-clés, premières utilisations de chars, de gaz, le tout sous les bombardements incessant de l’artillerie ennemie et le regard des aviateurs. Les deux scénarios hypothétiques se déroulent en 1919 et mettent en scène de nouveaux chars moyens et lourds.

Les commentaires historiques, par Perry Moore, traitent des différents aspects de la guerre apparus dans le jeu (infanterie, artillerie, aviation, et surtout chars). On y trouve des choses intéressantes, notamment dans l’encadré relatif à l’intérieur du char et à son confort spartiate.

Enfin, une feuille jaune contient toutes les tables nécessaires. Je la trouve bien faite, même si j’ai le souvenir qu’elle n’est pas exhaustive (il manque quelques modificateurs mineurs). Le plus regrettable (hormis le faible nombre de marqueurs évoqué plus haut) est l’absence de piste d’enregistrement des tours et d’une ou deux aides de jeu qui auraient pu nous simplifier la vie. Rien d’essentiel de toute façon. retour en haut de la page

Infernal Machines – a Landships ! Expansion Game for 1915-1933 (2000)

Infernal Machines est la première extension pour Landships! Sortie en 2000, elle a pour thème principal la guerre civile russe, mais s’aventure aussi sur d’autres champs de bataille. Elle se présente sous la forme d’un livret de règles accompagné d’une feuille regroupant tous les tableaux nécessaires, de deux cartes et d’une planche de pions du plus bel effet. Le logo, légèrement pixellisé, représente le Diable s’amusant parmi les flammes avec des jouets figurant des chars. Ces machines infernales se débarrassent de minuscules êtres humains, tandis que des explosions parsèment le ciel. La superbe couverture de Landships!  laisse sa place à la photo, en noir et blanc, d’un xxx (une récompense à celui qui me dira ce que c’est !)

Passons en revue les composants de cette extension, avant de nous pencher sur ce qu’elle apporte de nouveau.

Composants du jeu :

Le livret de règles comporte 48 pages, dont 23 de règles, 13 de scénarios et 8 de commentaires historiques. Un petit train blindé, la mascotte de cette extension, figure sur les bas de page.

Les deux cartes (recto-verso, donc 4 champs de bataille) ont, graphiquement, quelque chose de subtilement et d’inexplicablement différent de Landships!. Au programme :

Beaucoup moins de tranchées que dans Landships! donc et des cartes qui apporte de la variété. La carte n°10, ma préférée préfigure des scénarios en milieu urbain de haute intensité et donne immanquablement envie de jouer.

Une feuille recto-verso semi-cartonnée, dont la qualité d’impression est loin d’être exceptionnelle, regroupe les tableaux utiles à la résolution des combats. Il s’agit principalement d’une mise à jour de la jolie feuille jaune que l’on trouvait dans la boite de Landships!.

Les 280 pions (recto-verso), réunies sur une planche, sont très agréables à regarder. Comme pour les cartes, on retrouve le style « Landships! » tout en sentant quelque chose de différent. Je les trouve légèrement plus brillants. Peut-être s’agit-il des couleurs employées ? Ou juste une idée. Fini le bleu et le gris, place au rouge et au blanc, guerre civile russe oblige. Les unités ont le même aspect que ceux de la première version tant décriée, et que personnellement j’adore*.

Infernal Machines propose 22 scénarios, se déroulant entre 1915 et 1935 : 8 concernant la Première Guerre Mondiale (dont un simulant le début des Schneiders à Berry au Bac en 1917), 9 la Guerre Civile Russe et 5 les conflits coloniaux d’après-guerre (guerres du Rif, du Chaco, d’Ethiopie. Certains d’entre eux n’utilisent qu’une demi-carte. A noter que le matériel de Landships ! est abondamment utilisé.

Infernal Machines ne se contente pas d’apporter de nouveaux scénarios, mais revisite, parfois en profondeur, les règles de Landships!, et donne une toute autre dimension aux parties. Je ne vais pas passer en revue tous les changements apportés par Infernal Machines, mais juste en énumérer quelques uns.

Les règles :

La météo fait maintenant son apparition, avec des répercussions sur l’état du terrain. Les tranchées sont maintenant de plusieurs types. Les bombardements ont un effet sur les bâtiments.

La règle de repérage a été revue. Les unités doivent désormais lancer un dé pour repérer leur cible. Par contre, cette règle reste toujours autant sujette à caution.

C’est l’artillerie qui subit de plus gros changements. La règle a été entièrement réécrite et est censée remplacer l’ancienne. L’objectif a été d’avantage de coller à la réalité que de simplifier. Les neuf pages suppriment les tirs de barrage par artillerie sur carte et introduisent les officiers de liaison et les ballons d’observation. Il y a maintenant trois types principaux de mission d’artillerie (destruction, suppression, neutralisation), déterminés aléatoirement au début de chaque scénario. Il existe également des versions spécialisées (missions de contre-batterie, d’interdiction, barrages roulant). Les joueurs ont toujours le choix entre barrages Hurricane et Drumfire et munitions hautement explosives, shrapnel, fumée et gaz. Les possibilités sont démultipliées. Une aide de jeu spécifique serait bien utile. Une règle optionnelle bien sympathique propose de prendre en compte la consommation des munitions.

De nouveaux véhicules font leur apparition : Mk IV Tadpole (équipé d’un mortier), Mk IV nettoyeur de mines, MK V poseur de ponts, Elephant allemand (prototype allemand basé sur le châssis d’un Mk IV, mais dotés de mensurations gigantesques), A7V (54), des tankettes, des auto blindées, un train blindé et même des side-cars. En tout, 25 nouvelles unités. Notons que le calibre exact d’un canon monté sur un véhicule est désormais pris en compte.

Si les fusils anti-chars bénéficient de règles au réalisme censé être plus poussé qu’auparavant, de nouvelles armes font également leur apparition. Les joueurs ont désormais accès aux mortiers de tranchée de toutes tailles, aux mitraillettes, mitrailleuses légères (Lewis, Madsen, Benet, BAR) et moyennes, aux lance-grenades et aux canons anti-chars de 37 mm français. De quoi ravir ceux qui étaient restés sur leur faim avec Landships ! et ses sympathiques, mais trop peu nombreux, fusils anti-chars et autre lance-flammes. Infernal Machines dote le jeu d’un arsenal exaltant.

Si, à Landships!, l’infanterie était composée uniquement de platoons, Infernal Machines intègre des formations de la taille du squad. Les Stormtruppen bénéficient également de nouvelles règles, pour une précision accrue. Toute une page leur est consacrée. Un nouveau individu voit le jour : le chef d’infanterie , qui apporte des bonus lors des tirs, des combats en corps à corps et en terme de moral. Par contre, il n’existe toujours pas de règles de commandement. L’infanterie bénéficie de nouveaux équipements (gilets pare-balles, camouflage pour la neige, skis)

Parmi les règles optionnelle, notons la possibilité qui est désormais offerte aux unités d’infanterie de se mettre à plein ventre ou de courir, le recours à une table de tirs par armes légères plus sévère, la prise en compte de la précision des fusils selon la nationalité, un « pin removal » qui peut ne plus être automatique et que l’on peut même associer à une table d’héroïsme (aux deux extrémités d’un tableau qui compte six niveaux, l’unité peut se rendre ou charger l’ennemi). Notons aussi que le moral peut intervenir lors des combats au corps à corps, ce qui semble être une bonne chose.

Infernal Machines a su tenir compte de l’avis et des bonnes idées des joueurs. Signalons la contribution non négligeable d’un Français, Arnaud Bouis, que ceux qui ont lu l’article de Vae Victis sur Landships! connaissaient déjà. Cette suite permet à la série de s’étoffer et d’acquérir un peu plus de sérieux. Loin de faire jeu égal en terme d’exhaustivité avec un ASL, même si cette nouvelle mouture s'en rapproche furieusement, elle permet maintenant de simuler des conflits « exotiques » avec une précision intéressante. D’un point de vue qui ne peut pas être totalement objective, mais qui tente de l’être, je pense qu’Infernal Machines mérite d’être acheté par tout joueur ayant apprécié Landships! et qui en veut davantage. Que cela soit plus de scénarios ou plus de précision, chacun y trouvera son compte. Un adjectif pour qualifier Infernal Machines ? Je pense qu’ « enthousiasmant » conviendrait !

* Il existe en effet deux version de pions pour les unités des Puissances Centrales , la « classique », avec les silhouettes sans yeux, et la « moderne » à l’aspect plus moderne (mais qui fait perdre toute son identité au jeu. En fait, Clash of Arms a perdu les « originaux » des anciens pions gris et n’est donc plus en mesure de les reproduire. Il existe donc deux versions de Landships! Avis aux collectionneurs. retour en haut de la page

Arnauld Della Siega – 29/01/08